• Génération y versus génération z

    Je fais partie de la génération Y. celle en gros née dans les années 80. Et je constate chaque jour le fossé qui me sépare de la génération Z, née dans les années 90. Et de la difficulté de communiquer avec cette génération. Et du fait que je me sens vraiment comme une vieille conne aigrie en sa présence, tant nous ne partageons plus les mêmes références, les mêmes valeurs, les mêmes modes de vie. Si je caricature la génération des filles de mon époque, nous étions divisées en deux groupes: les filles star du collège un peu superficielles, souvent pas très douées à l'école mais avides de garçons, de clopes et de sorties en boîtes de nuits, celles qui avaient des scooters, une super popularité mais pas des supers résultats. Et puis les "autres", les bûcheuses, les pas forcément très drôles, un peu introverties, bien conscientes qu'il faudrait qu'elles bossent dix fois plus que les hommes pour faire leur place, pas spécialement à l'aise en leur présence, pas forcément très joviales mais passionnées par plein de domaines, le sport, les livres, la nature.... Dans ce groupe là, il n'était pas mal vu de n'être ni maquillé ni habillé à la mode, au contraire, nous mettions un soin particulier à se donner une apparence grunge, un peu destroy, pour se différencier des filles qui misaient tout sur le physique. Pas de maquillage, cheveux naturels ramassés en une simple queue de cheval, jean, baskets et tee-shirt de sport. c'était notre tenue habituelle et nous l'affichions sans honte, elle faisait partie de notre personnalité. les hommes, nous avions appris à nous en méfier, surtout les plus âgés que nous, et à afficher une moue glaçante quand ils se montraient collants ou pressants. Ce que la plupart du temps, eu égard à notre style vestimentaire, ils n'étaient pas. Nos parents, notamment mon père, avaient toujours eu ce discours là: ne te focalise pas sur les garçons, construit ta vie de façon indépendante. Alors la vie de couple, c'était pour quand on serait vieux. Ce qui comptait, c'étaient les études, les loisirs, les voyages, le sport,  les amis. Le mariage, je ne me rappelle pas y avoir pensé une seule seconde dans mon adolescence. Rêver de voyages à l'autre bout du monde de journalisme de littérature, de passions, oui, mais de mariage, de famille, que nenni. Et je crois que beaucoup de mes amies étaient comme moi. nous étions réfractaires à tout ce qui implique un couple ou une famille, traumatisés par notre vie dans des familles souvent nombreuses dont notre mère étaient un peu les esclaves plus ou moins consenties, nous n'aspirions qu'à une chose: la liberté. Vivre seul et libre. Nous étions franches. Dans nos premières expériences professionnelles, nous n'hésitions pas à nous montrer très critiques sur le monde du travail, comme nous l'étions sur le mode de vie des adultes, comme nous l'étions sur nos pairs. Oui, nous avions un esprit très critique, peut-être trop. Ou lucide selon le point de vue. Nous étions abreuvées de théories féministes à la Simone du Beauvoir et croyons à l'importance de se construire seul, sans famille, sans conjoint forcément. 

    Les filles de la génération Z me font penser à des petites poupées trop parfaites. Parfaitement coiffées, épilées, et maquillées, elles semblent à l'aise aussi bien professionnellement que socialement. Elles ont incroyablement intégré les règles de vie de notre société capitaliste pour la femme moderne: avoir un travail valorisant et payé, souvent à base de comm et nouvelles technologies, tout en étant mère de famille, d'enfants qui seront la plupart du temps en crèche ou nourrice dès deux mois. Leur rêve: faire un grand mariage avec plein de fleurs et de dragées, un compte intagram un un blog personnalisé et une liste de mariage en ligne! Reprenant toutes les traditions familiales du début du vingtième siècle, il ne semble leur poser aucun problème de se marier en grande pompe si possible en rendant jalouses toutes les autres. Lers relations de couples me semblent gnagnan et superficielles, elle appellent leur petit ami "mon bébé" ou mon chéri, d'une voix suave, font des moues adorables, tentent de désamorcer tous les débuts de conflits par des yeux doux trop maquillés et des paroles apaisantes issues de vidéos de développement personnel vues sur youtube. Avec nos mecs, et on pas nos "bébés" ou "chéris", nous étions franches, incisives, parfois brutales, nous ne minaudions pas mais quand un conflit arrivait, nous n'hésitions pas à au choix nous barrer, l'insulter copieusement, crier plus fort que lui, ou mieux le mettre à terre par un tâcle bien senti. Pas de "oh, désolée mamour", " ce n'est pas ce que je voulais dire, en reformulant, ce serait plutôt que "... quand nous reformulions, c'était avec des gros mots et pas d'excuse suaves, nous étions sans doutes dures mais aussi honne^tes et sans compromis. Il fallait nous prendre comme nous étions, un peu brutes de décoffrage, et pas tout en arrondissement d'angles et adoucissements hypocrites. Mais quand nous étions bien, ou heureuses, l'homme le savait, ces moments là étaient vrais, pas créés de toutes pièces pour un objectif d'appareil photos, car nous avions une intimité, une vie de couple que nous répugnions à partager, fut-ce avec nos plus proches amis. Il ne nous serait pas venu à l'idée de montrer nos photos de vacances à deux-cent-soixante amis, ces trésors là, nous les avions vécus ensemble, c'étaient notre jardin secret, et inutile d'e parler pour qu'il existe aux yeux des autres. en fait, nous nous fichions bien de ce que pensaient les autres de nos vacances, de notre couple, de notre mode de vie. Nous n'étions pas dociles, sans doutes aussi piquantes que des hérissons, mais quand nous aimions, nous aimions vraiment, avec passion, et l'autre devenait irremplaçable. Je note avec une certaine amertume que de plus en plus d'hommes de ma génération tendent à choisir leur compagne parmi la génération Z, plus docile, plus jolie, plus jeune, plus malléable sans doute.  A l'inverse, les filles de ma génération sont souvent vues comme trop intransigeantes, trop chiantes, trop exigeantes avec l'homme. Et beaucoup ont choisi de rester seules, ou de se séparer après plusieurs années de vie commune. 

     

    Les filles de la génération Z sont souvent aussi  brillantes professionnellement, dans des métiers impliquant une apparence parfaite comme la comm ou le web ou le commerce, et elles semblent maîtriser leur image toujours impeccablement lisse. elles sont positives, très positives, trop positives à mon gout, au point de perdre parfois tout esprit critique et toute lucidité, toute remise en question du système et de la construction capitaliste mondialisée qu'est notre monde. Elles ne rêvent plus d'être fonctionnaires ou salariées mais se lancent dans du business en ligne dont elles disent bien gagner leur vie, ou bien sont salariées pour de gros groupes dans le marketing et la com', sans aucun recul sur leur employeur, sans aucun doute sur la place de celui-ci dans le monde et son humanisme. Au contraire, elles en chantent les louanges même en privé et se refusent à tout esprit critique sur les fonctions qu'elles occupent, pourtant souvent proches de la vacuité.

    Elles sont parfois vegan, ou meetoo, ou adeptes de ce genre de mouvements à la mode, sans avoir vraiment le recul philosophique nécessaire, juste comme on adhère à un club parce que toutes ses copines en font partie (je ne veux pas manger des animaux parce que c'est maaal, et je ne veux pas qu'un garçon me touche les fesses si je ne l'y ai pas autorisé expressément par un accord écrit ou verbal). Je ne les trouve pas stupides pour autant, au contraire, je suis assez captivée par leur incroyable adaptation au monde de l'image et à la société individualiste et basée sur la représentation. A force de tenir des profils facebook ou instagram, elles sont devenus des espèces de profils facebook en live, ne parlant que de ce qui va bien, toujours positives, bien maquillées et souriantes, et ne remettant jamais en questions le mode de vie parfaite qu'elles se sont érigées. Si l'on soulève un peu de noirceur dans ce monde, elles vont se raccrocher à leur positive attitude, à tout ce qui va bien, sans jamais voir le mal nulle part. J'ai perdu mes repères avec ces filles là. Manger un steack est un crime. Se faire mettre une main au cul par un homme est une honte mais pas poser topless sur instagram de son propre chef. J'ai du mal avec leurs valeurs, leur culte du corps et du physique parfait, leur haute idée de la représentation d'elles-mêmes. Il me semble y voir sans réellement pouvoir mettre des chiffres et des statistiques derrière, une américanisation de notre société, tout dans le paraître, tout dans un positivisme forcé, affiché comme un signe d'appartenance à une classe sociale supérieure et un moyen de nourrir son cercle social. Elles me rappellent ce formidable film américain qu'était Américan Beauty. Ce monde où les apparences comptent avant tout.

    Elles m'ennuient un peu, à force d'être lisses comme un profil facebook, avec leurs maquillages parfaits, leurs mariages parfaits, leurs enfants parfaits. Suis-je jalouse? Je jalouse leur jeunesse et leur adaptation incroyable au monde actuel, mais je préfère à cete représentation  les tourments, les doutes, la dark face de notre génération, la génération Y, qui, ayant eu 20 ans à la fin du siècle, s'est laissée aller à l'angoisse, la nostalgie, les passions, comme la génération des romantiques de la fin du 19 ème. Il me semble que notre génération était plus à même de vivre les choses vraiment, intensément. Tout me paraissait plus réel que maintenant où chacun se cache derrière le culte de l'écran. Nous pouvions lire des romans de 500 pages sans être interrompus par x SMS.  Nous pouvions partir en voyage et couper court à toutes communication pendant trois mois sans qu'on lance un avis de recherche. Nous étions plus libre et dans un monde plus réel.

    Oui, la génération actuelle m'ennuie, j'ai envie d’ébouriffer les brushings trop parfaits d'aller chercher au fond des âmes, au fond des êtres, au fond des tripes ce qui'l y a derrière cette apparente satisfaction, derrière ce spectacle d'une vie ravissante. J'ai envie de les entendre râler mais ça n'arrive jamais. Est-ce qu'elles s'emmerdent? Est-ce qu'elles emmerdent leur copain à force d'être dans cette maîtrise absolue de leurs corps, apparences, vie, émotions? Est-ce qu'elles sont vraiment heureuses derrière leurs masques trop maquillés? Est-ce qu'elles aiment pour de vrai? Qui sont-elles vraiment?

     


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