• Celle qui s'en va....

    Merde, je sais pas du tout ce que je vais raconter dans cet article, le premier depuis bien longtemps! 

    Il fut un temps où j'aimais écrire....

    Où je savais écrire, enfin je crois. Maintenant, je n'écris plus grand chose, à part des note de synthèse pour des concours. Entre l'écriture et moi, il y a la vie. Il y a l'anéantissement. Il y a les heures passées au travail pour gagner de quoi payer un loyer dont le montant devient absurde comparativement au temps que je passe dans cet appartement. Quelques heures pour dormir. Le week-end, ailleurs, tout sauf ici, tout sauf cette ville qui me rappelle trop à quel point je me suis plantée sur toute la ligne.

    Ailleurs.

    J'aime mon travail, enfin par moments, pas tous les jours, pas tous les matins, disons que je l'aimerais bien s'il avait la politesse de me laisser un peu plus de temps pour vivre aussi. Je travaille au milieu des livres, dis comme ça, ça fait rêver, on pourrait croire que je suis un genre d'intellectuelle mais dans la réalité, ça se résume bien trop souvent à faire bip bip sur des codes-barres mal placés, à engueuler des gamins qui zonent là toute la journée en attendant d'être vieux et à donner deux trois conseils de lecture rapidos. Je ne me plains pas, ce boulot, je l'ai choisi, c'était même une reconversion souhaitée après quelques années à galérer  comme prof de français avec des ados plus intéressés par la dernière saison de secret story  que par la littérature que je tentais de leur faire ingérer de gré ou de force.

    Je ne sais pas si secret story existe encore, en fait, je m'en moque. De la télé, je ne suis plus grand chose si ce n'est les gros buzz du moment, le pire ramassis des conneries télévisuelles, tiens, il parait que Stéphane Bern s'est amusé à faire la cuisine bourré, voilà qui va largement remonter le niveau de réflexion de la population, dans la même veine je propose DSK en safari animalier sous viagra, et  Nabilla achète du shampoing sous exta. Ah mais non, ça ça existe déjà... Bref, j'ai pas la télé et c'est pas ça qui me manque, ce qui me manque, bien souvent, c'est la réflexion, une analyse approfondie des choses que l'on a de plus en plus de mal à trouver. Alors je ressors mes vieux bouquins de Sartre, tellement datés, merde je suis complètement has-been mais je m'en fous, je rêve d'un vieux monde où l'on aurait encore la possibilité de réfléchir.

    Le droit oui, ça on l'a, on a tous les droits, une vraie collection aussi inutile que celles de pins qu'on faisait dans les années 80, tous ces droits inapplicables, le droit de dire tout ce qui nous passe par la tête, liberté d'expression qu'ils répètent à l'envie depuis le 7 janvier, on entend même plus que ça... Mais la possibilité de penser avant de parler... Noyée sous un flot de BFM TV mêlés aux actus yahoo, j'apprends dans la même seconde la grossesse d'une animatrice de télécrochet et l'arrestation d'un meurtrier rendu presque sympathique par la somme de ses échecs et ses lâchetés. Un meurtrier quand même.Je mélange tout, qui est enceinte de qui et qui est le père? Est-ce que Stéphane Bern est  gay  et Poutine doit-il continuer de soutenir le régime syrien? Merde, je ne sais plus du tout...Je ne sais plus si je dois me réjouir, compatir ou haïr, je ne sais plus quel est le monde dans lequel je vis. Rien ne m'avait préparé au désastre politique qui est le nôtre, la gauche comme la droite n'existent plus, has-been aussi nos vieilles dichotomies. Pitié, offrez moi de quoi penser! Pas le énième portrait de Salah en prison, je m'en moque de Salah...

    Mon collègue s'appelle Salah, c'est un des hommes les plus drôles du monde, l'autre jour, il me disait appelle pas les flics, ils vont bien finir par m'oublier, lui il arrive à rire, c'est plus compliqué pour les ados qui s’appellent Coulibaly, quand je leur demande leur nom de famille, il y a toujours comme un blanc, enfin un blanc façon de parler.

    Oui, j'aimerais trouver de quoi penser ce monde là, ce monde dans lequel ils se retrouvent obligés de vivres, eux si jeunes et si innocents, et moi si vieille et tout aussi perdue qu'eux. 

    Voilà, je ne savais pas sur quoi j'allais écrire, je n'ai écris que sur mon travail qui est juste celui-là, continuer à sourire à tous les Coulibaly du monde et déconner avec mon collègue Salah et parler de cul avec mon autre collègue Mohammed, celui qui a écrit sur son profil Facebook "Je ne suis pas manipulable", histoire de résister à ceux-dont-on-ne-dit-pas-le-nom, ces voldemorts des banlieues.

    De ce travail, qui me prend tant de vie, je retiendrais cela, les fous-rires avec les collègues, nos imitations des inconnus dans les couloirs, la gentillesse des personnes que j'ai pu rencontrer, aider, leurs sourires et leurs remerciements, leur détresse aussi parfois, souvent, la détresse des réfugiés qui me tendent des milliards de papiers auxquels ils ne comprennent pas grand chose, auxquels je ne comprend pas grand chose, mais qu'il faut toujours remplir, imprimer, scanner, faire passer dans des milliards de préfectures, je retiendrais Momo, résistant devant l'éternel avec son sourire et ses béquilles, si fort malgré tout, plus qu'eux tous, je retiendrais Salah et nos fous-rires et ses coups de gueule aussi, son impression tant partagée d'être le premier baisé d'un monde qui ne tourne pas rond, je retiendrais Alexandra et Véronique et même les autres, ceux auxquels je ne disais trop rien, ceux protégés par leurs drames de toutes attaques et tous fous-rires, je les retiendrais comme j'ai retenu tous les autres avant eux.

    Je suis celle-qui-s-en-va, celle qui ne reste pas, qui s'attache mais qui ne reste pas. A la fin des vacances, j'aurais fait quelques gâteaux, je dirais au revoir aux collègues les larmes aux yeux, je dirais au revoir et je dirais on se reverra mais on ne se reverra pas, car je suis celle-qui-s-en-va, toujours et de tous temps et je porte tous mes collègues dans la lourde besace de mon coeur et jamais je ne les revois car alors viendront les regrets, les c'était mieux avant et pourquoi suis-je partie. Je suis celle-qui-s-en-va et qu'on ne revoit pas.


    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :