• André Stern ou l'imposture pédagogique des bobos

    Jusqu'à hier, je ne connaissais pas André Stern. En fille du peuple naïve et conformiste, j'imaginais que les enfants devaient aller à l'école. Qu'il s'agissait d'une obligation si ce n'est légale, tout au moins logistique. D'abord parce que je travaille et mon conjoint aussi et qu'est-ce qu'ils auraient bien pû faire seuls à la maison? C'était déjà bien assez compliqué de gérer pendant les vacances....

    Et puis hier, par le biais d'amis bien intentionnés, j'ai découvert André Stern. Le type qui n'a jamais été à l'école de sa vie et a quand même réussi sa vie,  en pratiquant des tas de professions qu'aucun de mes amis ni de mes connaissances ne pratique ... et qui font rêver... journaliste compositeur chercheur et... conférencier.

    Et André Stern de me rappeler qu'un enfant apprend bien mieux par le jeu qu'à l'école. D'ailleurs, lui même, avec son enfant, ne fait que jouer... Alors là je t'arrête tout de suite André Stern, parce que moi, mon problème numéro 1 justement, c'est que numéro 1 ne joue pas, mais pas du tout... Même pas dix minutes dans sa chambre. Non, numéro 1, si on lui demande de jouer, va au choix 

    - se coller dans mes pattes et dire "je m'ennuuuuiiiiiiieeeeee"

    - prendre une balle rebondissante et la balancer le plus fort possible dans toute la maison

    - réclamer l'ipad, ou la télé, ou n'importe quel écran, non il n'est pas habitué, non nous n'avons jamais cédé plus de deux heures par semaine, mais voilà....

    Bref, déjà, c'était mal parti à l'origine entre André Stern et moi étant donné qu'apparemment, nous n'avons pas du tout le même enfant à la maison, et c'est peut-être ça le problème avec les enfants ma bonne dame, c'est qu'ils sont tous différents. ou que j'ai merdé quelque part, OK, je le concède.

     

    Bref, André Stern est contre l'école. Et il n'est pas le seul. C'est devenu une vraie mouvance  dans les cercles de parents trentenaires, ôter au plus vite leur enfant de l'école, les éduquer seul, ou par des précepteurs, ou....

    Bien bien.... Nous voici donc revenu à un système de classes sociales où les plus riches se payent le luxe d'une éducation à domicile (même si c'est la femme qui l'effectue, moins souvent le conjoint, il faut que le salaire soit conséquent pour faire ce choix).

    Idéal pour ne pas fréquenter les gosses du peuple mal éduqués qui hantent nos écoles publiques. Idéal pour vivre un peu plus dans un entre-soi utopiste où tout le monde ayant eu la même éducation élitiste, la même culture, le même milieu social, tout le monde est d'accord.

    Idéal pour condamner une nouvelle fois l'école publique à nouveau accusée de tous les mots, laisser aller, rigorisme, vieille France, tue l'imaginaire de l'enfant etc etc...

    Ce qu'André Stern oublie de rappeler, c'est que son père était chercheur en pédagogie reconnu et qu'à cet égard, il n'a pas bénéficié des mêmes conditions de vie et d'apprentissage que les enfants lambdas. Dont font partie les miens. Ce qu'a oublié de précisé André Stern, c'est que ce style d'éducation n'est accessible qu'à l'infime partie de la population qui peut se passer d'un deuxième salaire et ou avoir des précepteurs à domicile. Donc André s'est contenté de reprendre la boîte de papa, il n'a pas "réussi" ex-nihilo comme il tente de nous en convaincre.

    J'ajoute le léger mépris de classe ressenti à l'écoute de ses conférences envers le brave agriculteur "tellement fier que l'on s'intéresse à son travail qu'il appelle à 7 heures du matin" (heure à laquelle André Stern dort, bien entendu, rire sous-jacent de l'assistance partageant l'effroi d'être réveillé à une telle heure - mais quel métier font-ils? sans doute pas agriculteur, ni éboueur, ni femme de ménage, ces métiers où on se lève tôt pour gagner peu ). Quant à la caissière du magasin de jouets, qui déconseille l'achat d'une voiture de collection à un enfant de trois ans, elle est moquée et conspuée comme une femme dominée par les angoisses et préjugés du vulgus. Le fils de bonne famille lui, peut jouer dès trois ans avec des voitures de collection sans les détruire, bien entendu!

    Je n'étais sans doute pas dans la cible. Je constate chaque jour les problèmes et les dérives de l'école publique, et même parfois de l'école privée, je sais que dans les écoles où je travaille, les enfants d'André Stern auraient les côtes cassées pour avoir le patronyme de Stern.

    Ce n'est pas tant l'idée de revenir à une école différenciée qui me contrarie: les pauvres à l'école publique, les assez riches à l'école privée, et l'élite en pédagogie innovante à la maison ou dans des écoles Montessori hors contrat. Ce qui me répugne, c'est de cacher tout cela derrière de pseudo théories pédagogiques fumeuses, telles que "l'enfant apprend mieux en jouant", "l'école tue l'imaginaire des enfants", "l'enfant est naturellement ouvert sur le monde, c'est à l'école qu'il se renferme", " l'enfant doit aller à la recontre du Moonnnde" -  pas à la rencontre des autres enfants de son quartier, trop facile - sans voir qu'en réalité on prône une éducation à deux ou trois vitesses.... En se cachant derrière des idées pédago lumineuses au lieu d'assumer qu'on n'a aucune envie de voir traîner ses gosses dans la Zup du quartier. 

    C'est sans doute l'art de l'élite de dissimuler habilement sous des mythologies et des effets de langages des projets politiques et sociaux qui favorisent sa caste. Maîtrisant tous les codes langagiers de sa caste, l'ironie, le lyrisme, le cynisme, se basant sur des références culturelles élitistes, André s'attaque implicitement aux  parents du peuple stupide qui n'ont pas d'autre choix que de mettre leur gosse à l'école. Bientôt, dans les CV des futurs cadres dirigeants, la mention "home schooling" servira autant de référence qu'un MBA côté d'une grande école de commerce. Bientôt l'élite refusera de payer pour une école publique obsolète qu'aucun de leurs enfants ne fréquente, et la mode américaine des petits clubs privés d'éducation pour riches - ce que sont déjà  les grandes écoles priées - fera fureur aussi en France.

     

    Merci André, mais mon fils continuera à aller à l'école publique -tant qu'elle existe, tant qu'il ne s'y fait pas casser de côtes -  qui n'a pas encore tout à fait tué son imaginaire... 

     

     


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